Après la pause, le retour à la mer : la pêche artisanale relancée au Togo
Pêche artisanale (Crédit image : Sud-Ouest)
Les points clés :
La saison de repos biologique relancée du 1er au 31 juillet renforce la régénération halieutique au Togo.
L’artisanat retrouve vie dès le 10 juillet, mais l’interdiction subsiste pour la pêche industrielle jusqu’au 31 août.
Une stratégie régionale rejoint l’initiative togolaise dans la lutte contre la surpêche par des fermetures saisonnières coordonnées.
À l’aube de cette nouvelle saison halieutique, le Togo marque un tournant dans sa gestion des ressources marines. Le ministère des Ressources halieutiques, par la voix du ministre d’État Yark Damehame, a officialisé la reprise de la pêche artisanale à compter du 10 juillet 2025, après une période de repos biologique visant à restaurer les stocks. Cette décision s’inscrit dans une démarche raisonnée qui distingue les approches artisanale et industrielle, suspendue jusqu’au 31 août, une mesure favorable à la biodiversité, mais aussi un enjeu clé pour l’économie bleue nationale.
Le repos biologique, appliqué à l’artisanat depuis le 1er juillet, reflète une compréhension croissante de la régénération nécessaire des populations de poissons. Cette initiative est conforme à l’agenda du Comité des Pêches du Golfe de Guinée Centrale (FCWC), qui encourage les fermetures saisonnières conjointes dans la région. En effet, Togo s’aligne sur une stratégie concertée avec la Côte d’Ivoire et d’autres voisins pour préserver les biomass face à la pression croissante des flottes industrielles.
Une relance mesurée aux impacts multiples
La reprise contrôlée de la pêche artisanale a des conséquences économiques directes. Selon la FAO, les pêcheries artisanales contribuent au tissu social avec un million et demi à deux millions d’emplois en Afrique de l’Ouest. À Togo, ces activités représentent près de 4,5 % du PIB et mobilisent plus de 20 000 emplois directs. Tandis que le secteur industriel reste à l'arrêt, le focus est mis sur la durabilité plutôt que le rendement immédiat.
La pêche artisanale joue un rôle crucial dans la sécurité alimentaire, fournissant environ 8 kg/an de poisson par habitant au Togo. Interrompue, sa relance permet un rééquilibrage essentiel pour les ménages côtiers, tout en laissant le temps aux écosystèmes de se reconstituer.
Enjeux régionaux et protection des écosystèmes
Au-delà de l’économie locale, le Togo inscrit sa démarche dans une stratégie régionale concertée. Le FCWC, avec le soutien de la West Africa Task Force, encourage des fermetures synchronisées pour enrayer la surpêche industrielle. Cette coordination répond à une logique écologique partagée : les bancs de poissons ne respectent pas les frontières, et une surveillance collective s’avère plus efficace.
La lutte contre la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN) reste un défi majeur. Selon WWF, la région perd près de 400 millions USD annuels à cause des pratiques INN, mettant en péril la sécurité alimentaire et la souveraineté économique.
Défis et perspectives pour les acteurs locaux
Malgré un repos biologique vital, des défis persistent. La pêche artisanale dépend largement de la stabilité des infrastructures et des politiques de surveillance. L’absence de quotas, la porosité côtière et le manque de subventions mettent en danger l’effort des pêcheurs traditionnels.
Le volet industriel continue de peser. Alors que Togo opte pour une pause, les navires étrangers et industriels demeurent une menace, profitant souvent de licences opaques. Le Rapport « Charting a Blue Future » souligne que l’absence de contrôle intensifie la surpêche et fragilise la résilience alimentaire.
Pourquoi attendre ?
Au fond, attendre est un acte stratégique. Le repos biologique permet non seulement la reconstitution des populations marines, mais crée également un espace d’adaptation pour les acteurs artisanaux. Les pêcheurs modestes, souvent marginalisés, bénéficient du recul que la forêt marine induit. Cette pause crée un environnement propice à une pêche plus durable, plus équitable, mieux encadrée.
Pourquoi est-ce important ?
La mesure togolaise illustre une transition vers une pêche durable, reposant sur la valorisation des pratiques locales et une gestion coopérative des espaces marins. Elle répond à trois enjeux :
D’abord, elle assure la survie socio-économique des communautés côtières. Avec plus de 20 000 emplois directs et un soutien à la sécurité alimentaire, la pêche artisanale est une bouée de subsistance.
Ensuite, elle participe à la lutte contre la pêche INN et la prédation industrielle. En adoptant une gestion partagée avec la région, le Togo s’inscrit dans un mouvement de souveraineté bleue durable.
Enfin, elle atteste de la capacité des États ouest-africains à adopter des politiques responsables, conciliant préservation des ressources naturelles et relance économique. L’exemple togolais pourrait inspirer les réformes halieutiques de la sous-région, renforçant la résilience climatique et alimentant la vision d’un secteur bleu intégré dans l’économie ouest-africaine.
En somme, la reprise de la pêche artisanale au Togo n’est pas un simple retour à la normale : c’est un acte de gestion stratégique, à la croisée de l’écologie, du social et du régional. Un pas concret vers une économie bleue à la fois responsable et prospère.