Togo : une stratégie particulière pour faire décoller la production avicole locale
Une stratégie qui peut s’avérer payante (Crédit image : Afreepress)
Les points clés :
L’État togolais impose désormais à tout importateur de volaille de sourcer au moins 10 % de sa commande auprès des producteurs locaux.
Ce quota représente jusqu’à 2,1 millions de poulets, accompagné d’un renforcement de la qualité via une formation intensive de 200 professionnels au CERSA.
Ce dispositif bénéficie du soutien institutionnel, notamment via un partenariat avec la Banque mondiale.
Depuis le début de l’année, le Togo a institué une mesure forte : tout importateur de poulet doit acheter au moins 10 % de ses volumes auprès de producteurs locaux avant d’obtenir son autorisation d’importation. Cette initiative, qui vise à protéger et dynamiser la filière avicole nationale, intervient en complément d’une précédente interdiction temporaire des importations de volaille congelée, visant à désengorger les stocks locaux .
En parallèle, 200 professionnels avicoles, issus des cinq régions du pays, ont suivi deux semaines de formation au Centre d’Excellence Régional en Sciences Aviaires (CERSA) de l’Université de Lomé, centré sur la biosécurité, l’alimentation animale, et la gestion de production. Ce centre, soutenu par la Banque mondiale dans le cadre des centres d’excellence africains, incarne un levier essentiel de montée en compétences pour la filière .
Les visées de cette stratégie gouvernementale sont claires : passer à une production locale capable de couvrir 10 % des besoins d’importation, soit près de 2,1 millions de poulets, tout en assurant une amélioration qualitative des produits. Le soutien institutionnel, allant du ministère des Ressources animales au ministère de l’Enseignement supérieur et l’appui de la Banque mondiale, démontre une volonté de consolidation structurelle de la filière.
Pour autant, plusieurs défis se profilent à l’horizon : la mise en œuvre concrète de l’obligation d’achat local, la compétitivité des prix face aux importations, et la structuration du secteur dans son ensemble. Des formations de qualité au CERSA, à l’image des programmes LEAP de Huawei dans le numérique au Sénégal, constituent une condition sine qua non pour renforcer durablement l’aviculture, stimuler l’emploi rural et améliorer la sécurité alimentaire.
Chiffres clés
10 % de quota local imposé aux importations de volaille (environ 2,1 millions de poulets).
200 professionnels formés au CERSA, axés sur biosécurité et normes sanitaires.
Centre d’Excellence régional bénéficiant de l’appui de la Banque mondiale, déjà formateur de plus de 1 200 techniciens avicoles .
Une stratégie volontariste et structurée
Le Togo, confronté à une concurrence étrangère souvent moins qualitative mais moins chère, mise sur une approche graduelle et encadrée. Après une interdiction temporaire des importations congelées pour soutenir les stocks locaux ﹣ jusqu’à l’écoulement d’au moins 70 tonnes en surplus ﹣ le pays adopte désormais une logique de quotas pour réguler le marché.
Le CERSA n’est pas une structure isolée : il s’inscrit dans le réseau des Centres d’Excellence Africains (ACE), visant à professionnaliser le secteur par la formation de Master, Doctorat et techniciens appliqués. Plus de 1 200 cadres formés et un solide partenariat public-privé valorisent cette montée en compétences.
Pourquoi est-ce important ?
Pour le Togo, structurer la filière avicole va bien au-delà de la simple production : cela participe à la sécurité alimentaire, à la création d’emplois en milieu rural, et à la réduction de la dépendance aux importations. En renforçant les capacités via le CERSA, le pays se positionne comme un acteur régional en mesure de stimuler la valeur ajoutée agricole, réduire la facture alimentaire et dynamiser l’économie locale.
Au plan ouest-africain, le modèle togolais est inspirant. Il traduit une évolution dans les politiques agricoles : allier régulation du commerce, renforcement des compétences et soutien institutionnel. Cela s’inscrit dans une dynamique de souveraineté alimentaire, similaire aux efforts entrepris dans l’agriculture au Burkina Faso ou au Bénin pour ses filières coton et vivre.
L’enjeu dépasse les frontières : en professionnalisant la filière avicole, le Togo se dote d’un outil économique durable, pilote d’un développement inclusif, en rupture avec les importations massives insuffisamment encadrées. À terme, s’ouvrir à l’exportation locale pourrait renforcer la position de Lomé dans la chaîne logistique sous-régionale, avec des répercussions vertueuses sur le plan économique et social pour l’Afrique de l’Ouest.